Le président du parti politique Front national de salut
public ‘’Mom sa Rew’’ Malick Noël
Seck a affiché son opposition au Sommet
de la Francophonie. Dans une interview accordée au site d’informations
Afrik.com, l’ex-secrétaire général de la Convergence Socialiste interpelle les
populations sur la Francophonie qu’il taxe de « supercherie ».
Afrik.com : Pourquoi avez-vous
décidé d’organiser un contre-sommet de la Francophonie ?
Malick Noël Seck : Nous avons organisé ce contre-sommet de la Francophonie pour
plusieurs raisons. La première, c’est parce que 90 millions d’euros, soit 57
milliards de FCFA, ont été empruntés par l’Etat du Sénégal pour l’organisation
de ce sommet. C’est scandaleux ! Alors que dans le pays, les élèves n’ont pas
de bourse, il n’y a pas de scanners dans les hôpitaux, le courant coupe à
longueur de journée, le bétail meurt de faim… et j’en passe. C’est un
gaspillage de plus que les citoyens sénégalais vont devoir payer, alors que
notre pays est pauvre. La deuxième raison de l’organisation de ce
contre-sommet, c’est qu’en 2006, une charte a été signée par l’Organisation internationale
de la Francophonie pour accompagner la transition des pays qui ont subi des
soubresauts politiques. Ce qui signifie que l’organisation peut, selon son
vouloir, valider ou invalider des élections.
Que voulez-vous dire par là ?
La Francophonie est une supercherie ! On ne peut pas défendre la démocratie et
recevoir quelqu’un comme Sassou Nguesso, qui a du sang sur les mains. Elle
prétend prôner la démocratie mais défend les dictateurs qui tripatouillent leur
Constitution pour se maintenir au pouvoir. Et dans beaucoup de pays africains,
les Présidents sont des sous-préfets pour gérer les intérêts de l’Elysée et de
Matignon. Et si jamais Paris refuse telle ou telle candidature à la Présidence,
on bombarde le palais, comme ce fut le cas en Côte d’Ivoire avec Laurent
Gbagbo. L’organisation de la Francophonie est seulement politique. Elle a
construit en Afrique quelques puits par-ci, par-là et mis des photos ensuite
sur son site internet, sans plus. La Francophonie est une arme de la
Françafrique.
Sur quels éléments vous basez-vous pour
affirmer cela ?
La coopération mise en place par la Francophonie entre la France et les
pays africains est un échec. C’est une coopération qui ne va que dans un seul
sens, car elle est basée sur la domination de la France. Jamais par exemple un
ministre de l’Education du Gabon ne donnera des consignes sur le programme
scolaire français pour dire qu’il faut que le massacre de Sétif soit dans les
programmes, l’assassinat de Thomas Sankara… Il ne le critiquera aussi jamais. Nous
avons toujours une monnaie qui porte le nom de la France. Ils nous forcent à
commercer avec eux, à signer les APE. Depuis près de 50 ans après les
indépendances, nous sommes jusqu’à présent toujours pauvres. Aujourd’hui
encore, nous sommes les derniers de la classe.
Mais l’état de pauvreté de certains pays
africains n’est-elle pas due avant tout à la responsabilité de leurs chefs
d’Etat et de leur mauvaise gouvernance ?
Ils ont bien sûr leur part de responsabilité car les chefs d’Etat africains
travaillent contre leur peuple ! Il faut que vous compreniez notre démarche.
Notre combat n’est pas contre la France, les Français, ou encore la langue
française. Nous avons un problème avec la France de Bolloré, de Bob Dynar, de
Rocard. Mais le français est une langue universelle, qui nous permet d’échanger
avec nos frères camerounais, ivoiriens, gabonais. Encore une fois, soyons bien
clair, c’est l’organisation de la Francophonie que nous combattons, pas la
France ni le français. Avec ce sommet à Dakar, jamais le Sénégal n’aura
accueilli autant de dictateurs. D’ailleurs, un agent de la DSE a reconnu que
les services secrets français ont truqué les élections pour que Bongo fils
remporte les élections. De même, la France affirme avoir aidé Compaoré, mais de
ne pas être intervenu directement, alors que Hollande a reconnu plus tard que
la France a organisé son exfiltration vers la Côte d’Ivoire. Mais en organisant
son exfiltration, on empêche la justice burkinabé de faire son travail pour
savoir qui a tué Sankara ou encore Norbert Zongo.
Quel regard portez-vous sur le bilan d’Abdou Diouf à la tête de l’OIF, qui a
apporté une dimension plus politique à l’organisation ?
Abdou Diouf a fait 20 ans au pouvoir, au Sénégal. Et il a fait quatre mandats à
la tête de la Francophonie. C’est beaucoup trop. Il y est resté trop longtemps
je pense. La direction de la Francophonie, je pense, est une récompense de la
France pour les Présidents africains les plus dociles. Hollande avait
d’ailleurs proposé à Compaoré d’être secrétaire général de la Francophonie une
fois qu’il aurait quitté le pouvoir pour services rendus à la France. C’est une
récompense qu’on peut comparer à la légion d’honneur.
Source : Afrik.com