vendredi 22 mai 2015

COMMENTAIRE : Halte à la dépigmentation

Qu’elles soient influencées par la mode ou l’entourage, rien ne justifie l’agression corporelle.  Les Africaines en général, les Sénégalaises en particulier sont prêtes à tout pour avoir un teint caramélisé, métissé,… bref tout sauf noir. L’hydroquinone, la cortisone et autres produits éclaircissants contenus dans les savons, les tubes, ne suffisent plus. Elles ont transformés le glutathion, un médicament destiné aux personnes atteintes des maladies de Parkinson et d’Alzheimer en produit cosmétique. Elles dépensent des sommes faramineuses pour ressembler aux stars, présentatrices, animatrices etc. Mais pourquoi se blanchir la peau ? Certains vont dire que c’est par esthétisme, pour plaire aux hommes, par pur complexe d’infériorité raciale…Pour d’autres, le teint clair représente simplement la beauté. Ce stéréotype fait de l’éclaircissement, une tendance que la gent féminine suit de très prêt. Même si les hommes commencent à s’y mettre, l’essor de la décoloration est plus remarquable chez la femme. Cette dernière que magnifie le président Senghor dans son poème « Femme nue, Femme noire », disparaît peu à peu de la société. Khardiata Pouye a eu raison de réaliser le film « Cette couleur qui me dérange ». Dans ce court-métrage, elle attire l'attention sur les conséquences de la dépigmentation.

Pourtant le blanc vient du noir. L’hominidé apparu sur terre il y a plus de 2 millions d’années, avait un teint foncée. Localisé en Afrique, cet australopithèque s’est retrouvé vers le Nord au fil des migrations. Son épiderme a changé de couleur à cause du climat. Ainsi, les premiers « Européens » à la peau blanche seraient apparus il y a 8000 ans. Toutefois, des chercheurs occidentaux contestent cette thèse.

Durant l’été, les Occidentaux se payent des vacances dans les endroits les plus ensoleillés pour se bronzer la peau. Ceux qui n’ont pas la chance de profiter du soleil des régions tropicales, se bombardent de lasers dans les instituts de beauté. Pendant ce temps, en Afrique, l’on veut se débarrasser de la mélanine, une substance qui protège le corps des rayons UV. Quel paradoxe ! Les adeptes du blanchiment utilisent des produits bons marchés qui finissent par leur donner des complications comme le cancer, la leucémie, des dermatoses etc.  Selon le dermatologue Hadi Hakim, une personne sur quatre meurt après une injection de glutathion. Certaines femmes dégagent même des odeurs fétides.

La mise en place de programmes de conscientisation est donc nécessaire surtout pour les illettrées et les ignorantes. « NuulKukk » (complètement noir, en wolof) est un bel exemple de mouvements de sensibilisation. Il vise à mener une campagne de communication pour promouvoir la beauté noire et dénoncer les pommades dangereuses pour la santé. Cette initiative citoyenne est partie d’une publicité vantant les mérites d’une crème éclaircissante « Khess Petch » (complètement clair, en wolof). Malheureusement l’action de ces mouvements ne se ressent pas trop à cause des intérêts commerciaux, la forte promotion médiatique et la circulation incontrôlée des produits décapants. Autre blocage, c’est le principe de liberté car l’on ne peut pas ordonner à une personne de ne pas se blanchir la peau. L’on est libre de faire ce qu’on veut de son corps. Pour estomper cette aliénation culturelle et identitaire, l’Etat doit surveiller la vente de desdits produits car la plupart des vendeurs sont dépourvus de toute compétence officinale. Il peut réglementer voire interdire leur importation et leur commercialisation. Des pays comme la Gambie, la Côte d’Ivoire… interdissent la dépigmentation.

Le gouvernement doit étendre la sensibilisation au système éducatif car de plus en plus les enfants s’adonnent à la décoloration. Les hommes ont la responsabilité d'éradiquer cette pratique par une réorientation de leurs critères objectifs ou subjectifs de beauté. Les médias doivent arrêter de faire la promotion de l’éclaircissement. C’est triste de voir que les chaînes de télévision préfèrent plus des femmes claires pour présenter leurs journaux, leurs émissions…

Tout compte fait, il faut sublimer la peau noire car elle reflète la luminosité, la netteté, la douceur et l'éclat. L'entretenir, l'embellir, ne signifie pas l'éclaircir.  Même si vous vous blanchissez, la désignation noire reste toujours. Aucune couleur de peau n’est supérieure à l’autre. Donc il faut rester naturel. De la même manière, l’on ne choisit pas ses parents, son lieu de naissance…, l’on ne choisit pas son teint. 

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